Pas de fichier des crédits, tranche le Conseil constitutionnel

Guide pratique

Surendettement / Guide pratique 961 Vues comments

ccDans une décision rendue hier jeudi 13 mars, le Conseil constitutionnel a censuré la création d’un fichier national recensant tous les crédits à la consommation accordés aux particuliers, prévue dans  la loi relative à la consommation.
Dans l’article de Sosconso intitulé fichage des emprunt: donnez votre avis !, nous vous avons longuement  parlé de ce fichier et de la polémique qu’il suscitait.

Le Conseil constitutionnel avait été saisi par des députés UMP, qui estimaient, principalement, que la création du registre national des crédits aux particuliers « porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée ».
Certains députés craignaient que les informations ne soient exploitées à des fins de prospection commerciale.

Quelle était sa finalité:
Actuellement, avant d’accepter une souscription, les organismes de crédit doivent consulter le Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, afin de vérifier que le client n’y figure pas. Il doivent ensuite évaluer avec lui sa capacité de remboursement.
Mais si ce client dissimule qu’il a déjà contracté plusieurs emprunts, ils ne peuvent pas le vérifier. Le fichier aurait permis de vérifier sa solvabilité et ainsi de prévenir le surendettement.
Le législateur poursuivait donc « un motif d’intérêt général« , admet le Conseil constitutionnel.

Quel aurait été son contenu:
Ce registre aurait recensé les crédits à la consommation, les incidents de paiement, les informations relatives aux situations de surendettement et aux liquidations judiciaires.
Il n’aurait pas recensé les crédits immobiliers et les crédits renouvelables non utilisés.

Il aurait  dû contenir des informations relatives à :
-l’état-civil de la personne qui a souscrit le crédit,
On estime que quelque 12 millions de personnes auraient été concernées.
-l’identification de l’établissement ou de l’organisme à l’origine de la déclaration,
-l’identification,  la catégorie et aux caractéristiques du crédit,
-aux incidents de paiement caractérisés, aux situations de surendettement et aux liquidations judiciaires prononcées, à la date de mise à jour des données et au motif et à la date des consultations effectuées .

Quelle aurait été la durée de conservation des données:
-Les informations relatives au crédit auraient dû être conservées pendant la durée d’exécution du contrat de crédit ;
-celles relatives aux incidents de paiement jusqu’au paiement intégral des sommes dues, sans toutefois excéder cinq ans à compter de la date d’enregistrement de l’incident de paiement;
-celles relatives aux situations de surendettement, pendant la durée de l’exécution du plan ou des mesures, sans que cela  puisse excéder sept ans ;
-celles relatives à la procédure de rétablissement personnel, à la procédure de liquidation judiciaire ou à un effacement partiel de dettes, jusqu’à l’expiration d’une période de cinq ans à compter de la date d’homologation ou de clôture de la procédure.

Dans quel cadre l’aurait-on consulté?
– La loi prévoyait une consultation obligatoire de ce registre par les établissements et organismes financiers « avant toute décision effective d’octroyer un crédit à la consommation » ainsi qu’« avant de proposer à l’emprunteur de reconduire un contrat de crédit renouvelable et dans le cadre de la vérification triennale de solvabilité de l’emprunteur » ;

-Elle autorisait une consultation de ce registre par les caisses de crédit municipal avant toute décision effective d’octroi d’un prêt sur gage corporel ainsi que par les établissements ou organismes financiers pour les personnes qui se portent caution à l’occasion de l’octroi d’un crédit à la consommation ;

-Elle autorisait également une consultation des seules informations de ce registre relatives aux incidents de paiement caractérisés, aux situations de surendettement et aux liquidations judiciaires par les établissements et organismes financiers,  «avant qu’ils ne formulent une offre » de prêt immobilier ou de prêt viager hypothécaire  ou dans leurs décisions d’attribution des moyens de paiement, ainsi que pour la gestion des risques liés aux crédits souscrits par leurs clients » ;

-la consultation du registre était  ouverte aux commissions de surendettement dans l’exercice de leur mission de traitement des situations de surendettement ainsi qu’aux greffes des tribunaux compétents dans le cadre de la procédure de traitement des situations de surendettement

-La loi interdisait que les informations contenues dans le registre puissent être consultées ou utilisées à d’autres fins que celles expressément prévues, sous peine des sanctions de l’article 226-21 du code pénal.
Cela interdisait notamment la consultation à des fins de démarchage

Qui l’aurait consulté?

La loi surbordonnait à une autorisation individuelle et une habilitation, selon des procédures spécifiques internes aux établissements et organismes financiers, la consultation du registre par les personnels des établissements et organismes financiers ;

Le Conseil constitutionnel considère qu’en renvoyant à un décret en Conseil d’État les modalités d’application de cette autorisation, « le législateur n’a pas limité le nombre de personnes employées par ces établissements et organismes susceptibles d’être autorisées à consulter le registre » ;

On estime que des milliers d’employés auraient pu le consulter

La décision:

Les Sages du Palais-Royal estiment que, « eu égard à la nature des données enregistrées, à l’ampleur du traitement, à la fréquence de son utilisation, au grand nombre de personnes susceptibles d’y avoir accès et à l’insuffisance des garanties relatives à l’accès au registre, les dispositions contestées portent au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi ».

La réaction des associations de consommateurs:

La plupart des associations de consommateurs se sont félicitées de cette décision.
L’Association françaises des usagers des banques (AFUB) a toujours considéré comme disproportionné le fait de » ficher 25 millions de personnes [12 millions dans sa deuxième version], alors que le surendettement en concerne 800 000. »
Elle déplorait le fait que le dispositif ait été réintroduit par le gouvernement, sous la forme d’un amendement,  alors que le Conseil d’Etat, consulté sur la première version du fichier,  avait émis des réserves sur sa « proportionnalité ».

Alain Bazot, président de l’association Que Choisir, s’est dit « très satisfait »  de la disparition de ce dispositif « coûteux et inefficace« .
Dans sa première version,  avec quelque 25 millions de personnes à suivre, l’investissement nécessaire était estimé à 15-20 millions d’euros pour la Banque de France, et 525-820 millions d’euros pour les établissements de crédit.
Le coût de fonctionnement était évalué à  30-35 millions d’euros annuels pour la Banque de France au cours des premières années, et entre 37 et 76 millions annuels pour les établissements de crédit.

L’efficacité du dispositif était contestée: La Fédération française bancaire et l’Afub, pour une fois d’accord, estiment que nombre de situations d’endettement sont liées  à des événements imprévisibles (chômage, maladie, décès…), et non à un grand nombre d’emprunts.

Et vous, qu’en pensez-vous?

N’oublions pas toutefois que le Conseil constitutionnel a validé tout le reste de la loi sur la consommation, notamment la création de l’action de groupe.
Nous y reviendrons prochainement!

[Mise à jour le 20 mars 2014:
Le ministre de l’économie, Pierre Moscovici, et celui en charge de la consommation, Benoît Hamon, ont déclaré mercredi 19 mars, lors d’une conférence de presse, que le gouvernement « travaille sur de nouvelles pistes« . ]

D’autres articles de Sosconso: Condamnation d’une banque ayant retenu des minima sociaux

 

Commentaires