Le tribunal de commerce désormais compétent pour tous les litiges relatifs au crédit bancaire

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Le tribunal de commerce désormais compétent pour tous les litiges relatifs au crédit bancaire

La décision de la Cour est motivée par le caractère commercial de l’activité bancaire et par la «célérité» dont font preuve les juridictions spécialisées. La loi sur le consommateur donne au juge plusieurs pouvoirs qui relèvent désormais des prérogatives exclusives du magistrat commercial.

«Les litiges relatifs à l’octroi d’un crédit bancaire relèvent de la compétence des tribunaux de commerce, quels que soient la qualité de l’emprunteur ou l’objet du crédit». Le verdict de la Cour de cassation est sans appel. Une décision capitale puisqu’elle vient mettre fin à plusieurs années de tergiversations. En effet, les litiges relatifs au crédit bancaire impliquant des non-commerçants étant désormais régis par le code sur la protection du consommateur, ce dernier n’a apporté aucune précision quant à la compétence judiciaire «matérielle», se contentant d’une compétence territoriale (domicile du consommateur). Or, entre le tribunal de première instance et le tribunal de commerce, les magistrats ont longtemps hésité. «La loi est claire : dans le cas où l’une des parties au litige est non commerçante, il lui appartient de choisir de porter l’affaire devant une juridiction civile ou commerciale», explique Me Fadel Boucetta, avocat au barreau de Casablanca. A l’origine de l’arrêt de la Cour de cassation, une affaire de mise en œuvre de garantie bancaire ayant débuté en février 2015. L’avocat de l’emprunteur a remis en cause la compétence du tribunal de commerce, estimant que son client est un particulier et que, de facto, le contrat de crédit n’était pas un contrat commercial. Les magistrats de la haute juridiction ont débouté, début mars 2016, la demande et renvoyé les parties devant le tribunal de commerce de Casablanca. Une décision qui fera jurisprudence, notamment pour les magistrats de première instance qui, désormais, auront une raison de se dessaisir en faveur du tribunal de commerce. Elle est motivée par le caractère commercial de l’activité bancaire mais également par la «célérité» dont font preuve les juridictions spécialisées, contrairement aux tribunaux de première instance.

Jusque-là, la jurisprudence était très clémente vis-à-vis des débiteurs

Cette décision est lourde de sens puisque la loi sur le consommateur donne au juge plusieurs pouvoirs qui relèvent désormais des prérogatives exclusives du magistrat commercial. En effet, le tribunal peut, en cas de contestation ou d’entraves à l’exécution du contrat de prêt et jusqu’à la solution du litige, suspendre l’exécution du contrat de prêt. Dans les cas extrêmes, l’exécution des obligations du débiteur peut être, notamment en cas de licenciement ou de situation sociale imprévisible, suspendue par ordonnance du président du tribunal compétent (voir article en face). L’ordonnance peut, en outre, prévoir que, durant le délai de grâce, les sommes dues ne produiront point intérêt et peut déterminer les modalités de paiement des sommes qui seront exigibles au terme du délai de suspension. D’ailleurs, la jurisprudence, principalement issue des juridictions générales, est très «clémente» vis-à-vis des débiteurs. Les magistrats de première instance et d’appel accordaient presque systématiquement des délais de grâce (notamment en cas de licenciement ou de situation sociale imprévisible) et le rééchelonnement des dettes était accepté dans plus de 80% des cas, selon les praticiens. Une donne qui changera sans doute avec le tribunal de commerce, dont la compétence est systématiquement requise par les avocats des établissements bancaires. «Il est clair qu’on assistera à un revirement jurisprudentiel auquel on a déjà assisté avec l’exclusion du leasing du champ d’application de la loi sur la protection du consommateur», explique un magistrat du tribunal de première instance de Casablanca. «Et s’il est vrai que le tribunal de commerce donne accès à des magistrats spécialisés et à des procédures courtes, et sans doute, efficaces, la Cour de cassation doit garder en tête que les gains de temps ne peuvent se faire au mépris des garanties fondamentales du citoyen», conclut-il.

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